Les articulations ne sont pas les seules à subir les conséquences des gestes répétitifs. Les tendons, les muscles et même les nerfs figurent parmi les structures les plus exposées. Certaines régions du corps, souvent négligées dans les évaluations, présentent pourtant un risque accru lors de tâches apparemment anodines.
Les statistiques révèlent que l'apparition de douleurs ne se limite pas aux métiers physiques. L'organisation du travail, la posture et la fréquence des mouvements imposent des contraintes insoupçonnées à des zones parfois peu suspectées.
Plan de l'article
TMS : comprendre l'ampleur d'un enjeu de santé au travail
Les troubles musculo-squelettiques (TMS) dominent le paysage des maladies professionnelles en France. D'après l'Assurance Maladie, pas moins de 87 % des maladies professionnelles reconnues en 2022 relèvent de ces affections : elles s'attaquent aux muscles, tendons, nerfs et articulations. Et leur impact se mesure sur tous les tableaux. Arrêts de travail répétés, absentéisme massif, baisse de rythme dans les équipes… la productivité des entreprises s'en ressent. Résultat : le coût global pour le monde économique explose, pesant sur l'ensemble du tissu professionnel.
Impossible de cibler un seul secteur : le bâtiment, l'industrie agroalimentaire, la logistique ou la propreté, mais aussi l'aide à la personne et les soins, sont tous concernés, preuve que la répétition des gestes, une organisation inadaptée ou l'absence d'ergonomie n'épargnent personne. Le phénomène traverse tous les univers : du chantier bruyant au bureau silencieux, de la grande surface à la chaîne de production.
Chaque année, selon l'INRS et la CARSAT, plusieurs millions de journées de travail s'évaporent à cause de ces pathologies. Et derrière l'absence d'un salarié, il faut aussi composer avec la désorganisation des équipes, la démotivation et l'urgence de former de nouveaux venus.
Pour l'entreprise, la santé et la sécurité au travail deviennent un véritable levier stratégique, bien loin de la simple contrainte réglementaire. Les chiffres sont clairs : miser sur la prévention des TMS, c'est préserver le collectif, limiter les risques et renforcer le socle humain.
Quels sont les endroits du corps les plus exposés aux troubles musculo-squelettiques ?
En première ligne, les membres supérieurs concentrent le plus grand nombre de cas de troubles musculo-squelettiques. Près de 38 % des déclarations concernent la main, le poignet ou les doigts. Le syndrome du canal carpien est particulièrement répandu, conséquence directe de gestes précis et répétés dans de nombreux métiers industriels, logistiques ou administratifs.
Juste derrière, les épaules représentent 30 % des TMS liés au travail. La coiffe des rotateurs, ensemble de tendons essentiels à la stabilité de l'épaule, est très exposée lors de mouvements d'élévation fréquents, du port de charges ou de positions bras en l'air. Le coude n'est pas à l'abri : l'épicondylite (« tennis elbow ») concerne 22 % des cas, touchant aussi bien l'ouvrier du gros œuvre que l'opérateur en production.
Le dos, surtout la colonne lombaire, compte pour 7 % des TMS. Les lombalgies chroniques, provoquées par des efforts mal accompagnés, des postures figées ou des torsions répétées, peuvent sérieusement altérer la qualité de vie professionnelle. Les genoux (2 %) et les hanches sont moins souvent touchés, mais restent fragilisés dans les métiers où l'on s'agenouille, s'accroupit ou soulève des charges lourdes.
Les TMS s'étendent ainsi des muscles aux tendons, sans oublier les nerfs, les articulations, les ligaments ou les bourses séreuses. De la main à l'épaule, du poignet au dos, ce sont toujours les mêmes zones qui encaissent le plus les effets de la répétition des gestes, des contraintes posturales et d'un rythme soutenu.
Facteurs de risque : pourquoi certains gestes ou environnements favorisent les TMS
L'apparition des troubles musculo-squelettiques n'a rien d'aléatoire. Elle s'explique par une combinaison de facteurs biomécaniques, organisationnels et psychosociaux. Les gestes répétés, les postures prolongées, la force physique excessive ou encore l'exposition aux vibrations forment le socle des risques mis en avant par l'INRS et l'Assurance Maladie.
Voici les principaux facteurs à surveiller de près :
- Mouvements répétitifs : assembler, visser, saisir, taper sur un clavier, ces gestes, à force de se répéter, finissent par abîmer tissus et articulations.
- Postures contraignantes : bras levés, dos penché, station debout prolongée. Le corps finit par protester, les tensions s'accumulent.
- Efforts excessifs : soulever, tirer, pousser de façon répétée surcharge le corps et le pousse à ses limites.
- Vibrations : l'exposition prolongée à des outils vibrants (marteau-piqueur, ponceuse…) fragilise muscles, tendons et parfois nerfs.
L'organisation du travail joue également un rôle déterminant. Cadence élevée, absence de pauses, manque de rotation dans les tâches ou ergonomie inadaptée, autant de paramètres qui amplifient l'exposition aux TMS. Les secteurs du BTP, de l'industrie agroalimentaire, de la logistique ou encore des soins enregistrent des taux particulièrement élevés, reflet de ces contraintes persistantes.
Le stress et la pression psychologique s'ajoutent à l'équation. L'Assurance Maladie souligne que la charge mentale, combinée à l'intensité physique, accélère l'apparition des troubles. Là où la prévention fait défaut, les arrêts de travail se multiplient et la performance de l'entreprise s'en trouve affectée.
Prévenir les TMS : des solutions concrètes pour protéger les salariés
La lutte contre les troubles musculo-squelettiques commence par une évaluation sérieuse des risques. L'employeur, conformément au Code du travail, doit consigner et actualiser les situations à risque dans le Document Unique d'Évaluation des Risques Professionnels (DUERP). Cette démarche ne se limite pas à une formalité : elle ouvre la voie à des actions ciblées et pertinentes.
L'ergonomie des postes de travail joue un rôle clé. Ajuster la hauteur des plans, réduire la répétition des gestes, alléger la charge physique, introduire des aides à la manutention… Autant de solutions concrètes, encouragées par les guides de l'INRS et de la CARSAT, en particulier dans le BTP, la logistique ou l'industrie agroalimentaire.
Impossible de faire l'impasse sur la formation des salariés. Savoir détecter les situations à risque, adopter les bons réflexes, signaler toute gêne dès les premiers signes, la sensibilisation, en lien avec les services de santé au travail, permet une détection rapide et freine la progression des pathologies.
Enfin, l'organisation même du travail doit évoluer : fractionner les tâches, instaurer des pauses régulières, encourager la polyvalence. Derrière leur simplicité, ces mesures réduisent l'exposition aux facteurs biomécaniques et psychosociaux. Chacun, à son niveau, devient acteur de la prévention au sein de l'entreprise.
Les TMS ne font pas de sélection. Ils frappent là où la vigilance baisse, s'installent à force de négligence et finissent par s'imposer dans le quotidien professionnel. Prévenir, c'est donner au corps les moyens de durer, et à l'entreprise les ressources pour avancer sans entrave.